Etude d’un cas d’ostéosynthèse biologique sur un chiot de 5 mois
Frédéric SANSPOUX
16 Rue des Rochettes – 87300 Bellac
Un chiot Border Collie de cinq mois a été présenté en consultation pour une boiterie avec suppression totale d’appui du membre postérieur droit suite à un coup provoqué par une branche tombée d’un arbre. L’examen à distance et l’examen rapproché ont mis en évidence une fracture médio-diaphysaire du tibia. Ce diagnostic a été confirmé par la radiographie, il s’agissait d’une fracture transverse simple sans atteinte de la fibula.
Technique chirurgicale
L’abord de la diaphyse tibiale par voie crânio-latérale étant aisé, nous avons décidé d’opter pour une MIPO. Une plaque LC-DCP pour vis de diamètre 2,7 mm a été choisie et préformée sur le calque réalisé à partir de la radiographie du membre controlatéral. Une incision d’environ 4-5 cm est pratiquée sur le bord crânio-médial de la métaphyse proximale du tibia. Le tissu conjonctif est incisé et le fascia crural également. Une seconde incision crânio-médiale est pratiquée au niveau de la métaphyse distale. Le foyer de fracture n’est pas abordé et le périoste n’est pas incisé (Image 1). Cette voie d’abord ne pose aucune difficulté particulière, cependant, il convient de préserver les branches crâniales de l’artère et de la veine saphène, ainsi que le nerf saphène qui croisent la diaphyse tibiale dans sa partie centrale suivant une direction caudo-proximale à crânio-distale.
La plaque est glissée sous la peau en longeant l’os depuis l’incision proximale en descendant vers le tibia distal et en passant en-dessous des faisceaux vasculo-nerveux saphènes. Une fois positionnée, elle est maintenue en place à l’aide d’un davier réducteur cranté. Le davier n’est retiré que lorsque les vis sont insérées afin de minimiser les lésions du périoste. La plaque est parfaitement alignée sur la diaphyse tibiale et trois vis de 2,7 mm de diamètre sont posées en position neutre. Le davier est ensuite déplacé et posé sur l’about distal de la fracture. Il est très important de respecter l’alignement du membre dans le plan axial et d’éviter toute rotation externe ou interne et abduction ou adduction de la portion distale de la fracture par rapport à la portion proximale. Contrairement à l’utilisation d’une plaque verrouillée (LCP), lors de la mise en place d’une plaque standard (DCP, LC-DCP ou VCP), l’alignement du membre ne peut être obtenu qu’à condition que l’implant soit correctement modelé sur le membre controlatéral.
Le fascia crural est suturé, les tissus sous-cutanés également. La peau est fermée de manière classique (points simples, points en X). Un bandage de Robert-Jones léger est posé sur le membre pour éviter un œdème postopératoire et protéger la plaie pendant quelques jours. Un contrôle radiographique postopératoire immédiat permet de vérifier la bonne position de la plaque et l’alignement correct des rayons osseux (Image 2). Un contrôle radiographique est réalisé à J15 lors du retrait des points (Image 3). La cicatrisation osseuse a débuté, l’augmentation radiologique de la taille du trait de fracture signe la phase de nécrose osseuse consécutive aux lésions vasculaires subies lors du traumatisme.
Le chien est revu environ trois mois plus tard pour un examen de contrôle avant le retrait de la plaque. L’os a complètement cicatrisé, l’alignement osseux est très satisfaisant et l’ablation du matériel d’ostéosynthèse (AMO) est réalisée dans la foulée (Image 4).
Discussion
Généralités
Dans les années 60, la réduction anatomique couplée à une immobilisation parfaite des fragments osseux représentait la technique de référence en matière de réparation des fractures [1]. Le groupe AO/ASIF a clairement exprimé le principe du traitement des fractures :
- Réduction anatomique des fragments osseux (en particulier lors de fractures intra articulaires),
- Fixation stable adaptée aux situations cliniques et biomécaniques,
- Préservation de la vascularisation des fragments osseux et des tissus environnants grâce à une réduction et une technique chirurgicale atraumatiques.
- Mobilisation active précoce non douloureuse des muscles et des articulations adjacents à la fracture pour éviter le développement d’une maladie fracturaire [2].
Cependant, les techniques appliquées demandaient un abord chirurgical large et des dommages tissulaires iatrogènes pouvaient être causés aux structures adjacentes à la fracture [1].
Au cours de ces dernières années ces principes ont connu des changements évoluant vers un concept d’ostéosynthèse « biologique » dont les règles sont la protection accrue des tissus mous, le respect de la vascularisation des fragments osseux, l’utilisation de techniques de réduction indirectes des fractures, une fixation appropriée et stable [2-3]. Ce n’est plus la reconstruction anatomique du membre qui prime mais bien la reprise fonctionnelle rapide, le respect des alignements articulaires et la restauration de la longueur du membre [3-4].
Avec l’utilisation des fixateurs externes et de clou verrouillé, la MIPO est une des techniques qui répond parfaitement aux critères de l’ostéosynthèse biologique [3-6].
Lorsque la MIPO est utilisée comme technique d’ostéosynthèse sur le tibia, l’abord se fait médialement. L’indication de la méthode est destinée aux fractures diaphysaires et métaphysaires [5]. L’utilisation d’une longue plaque réduit les forces de tensions sur chaque vis, ce qui permet de diminuer leur nombre. Généralement, deux vis transcorticales de part et d’autre du foyer de fracture sont suffisantes mais une troisième vis peut être ajoutée [5-6].
Cas des fractures du jeune et du très jeune animal
Les caractéristiques de l’os des jeunes animaux sont très différentes de celles des animaux adultes. Il est plus élastique et plus résistant aux traumatismes, le périoste est très vascularisé et beaucoup plus épais. Les vascularisations de l’épiphyse et de la diaphyse sont indépendantes. Les corticales sont très fines et peu minéralisées. Les métaphyses et les diaphyses contiennent beaucoup d’os spongieux et la taille du canal médullaire est limitée [7]. Cependant, dans les cas qui nous occupent, les caractéristiques de l’os se rapprochent plus de celles d’un animal adulte.
Différents types de plaques peuvent être utilisés chez les jeunes animaux : plaques VCP (veterinary cuttable plate – plaques sécables vétérinaires, qui peuvent être uniques ou empilées), plaques DCP (dynamic compression plate – plaque de compression dynamique) ou LC-DCP (low contact dynamic compression plate – plaque de compression dynamique à contact limité), plaques LCP (locking compression plate – plaque à vis verrouillée) [7-8-9]. Pour le cas décrit dans cet article, nous ne disposions à ce moment que de plaques LC-DCP pour vis de 2,7 mm. Cependant, le meilleur choix eut été la LCP qui nous aurait dispensés d’un modelage parfait de l’implant et aurait évité la compression du périoste et de l’os tout en respectant au mieux le côté « biologique » de la reconstruction.
Limites liées à l’abord mini invasif
Quoique très séduisante, la réalisation de la technique demande une certaine habitude et la courbe d’apprentissage est probablement plus longue que pour une ostéosynthèse par plaque vissée classique [5]. Ce phénomène est en grande partie causé par le travail en aveugle : jamais le foyer de fracture n’est abordé [3]. Des défauts d’alignement dans le plan sagittal ne portent pas trop à conséquence et peuvent être compensés par l’animal. Par contre des défauts de parallélisme articulaire, de rotation interne ou externe peuvent s’avérer beaucoup plus handicapants et nécessitent une correction immédiate [8-9].
Conclusion
Le terme d’ostéosynthèse « biologique » ne doit pas être confondu avec alignement des rayons osseux. Il est possible de réaliser une réduction anatomique tout en respectant l’environnement fracturaire (par exemple lors de réduction d’une fracture articulaire sous arthroscopie) et la réduction peut être qualifiée de biologique seulement si les critères de la chirurgie atraumatique ont été respectés.
La MIPO est une des techniques d’ostéosynthèse « biologique ». Cette dernière a longtemps été pratiquée à l’aide d’une plaque standard mais à l’heure actuelle, ce sont les plaques LCP qui répondent le mieux au cahier des charges de la méthode. Puisque la réduction est pratiquée à l’aveugle, il convient d’éviter tout phénomène de rotation externe ou interne du membre, d’abduction ou d’adduction. La MIPO permet une récupération fonctionnelle plus rapide et la mise en place précoce du cal osseux. Le temps opératoire est en général significativement réduit par rapport aux techniques plus anciennes.
Le tibia d’un Border Collie de cinq mois possède déjà des corticales de structure voisine à celle de l’adulte, il peut donc être traité comme tel. Cependant, les plaques de croissances sont toujours actives et elles doivent être préservées.
Bibliographie
- JOHNSON AL et All : AO Principles of fracture management in the dog and the cat. Davos, Thieme, 2005.
- PIERMATTEI DL et All : Manuel d’orthopédie et traitement des fractures des animaux de compagnie. Quatrième Edition. Paris, Med’Com, 2009.
- HUDSON CC et All : Minimally invasive plate osteosynthesis : Application and techniques in dogs and cats. VCOT, 2009-3 : 175-182.
- JOHNSON AL : Current concepts in fracture reduction. VCOT, 2003-16 : 59-66.
- POZZI A, LEWIS DD : Surgical approaches for minimally invasive plate osteosynthesis. VCOT, 2009-4 : 316-320.
- SCMÖKEL HG et All : Treatment of tibial fractures with plates using minimally invasive percutaneous ostosynthesis in dogs and cats. Journal of Small Animal Practice, 2007-48 :157-160.
- LATTE Y : Rappel des particularités de l’os du jeune. MPCAC, 1991-3 : 190-196.
- SARRAU S et All : Treatment of femoral and tibial fractures in puppies by elastic plate osteosynthesis. VCOT, 2007-20 : 51-58.
- BEALE BS, Mc CALLY R : Minimally invasive plate osteosynthesis : tibia and fibula. Vet Clin Small Anim, 2012, 42 : 1023-104.
Mots-clefs : capveto, chien, chirurgie, chirurgie mini invasive, dog, lc dcp, MIO, MIPO, plaque, sanspoux, surgery, tibia, vet, vétérinaire