Dysplasie de la hanche chez le chien
Appelée aussi dysplasie coxofémorale (DCF). Affection héréditaire non congénitale survenant chez des animaux présentant une hyperlaxité de l’articulation coxofémorale. Elle se manifeste par une atteinte du cartilage, du liquide synovial et de la capsule articulaire et se complique généralement d’arthrose plus ou moins précocement selon les individus. Les animaux atteints présentent souvent des troubles de la locomotion mais le degré de la boiterie est sans rapport avec le degré de la dysplasie.
Mécanisme physiopathologique |
Terme anglo-saxon : hip dysplasia
l’hyperlaxité de l’articulation coxofémorale est le point de départ de la maladie. Il en résulte une subluxation de la tête fémorale qui induit une incongruence des surfaces articulaires. Suite aux contraintes biomécaniques anormales, des microfractures affectent le cartilage de la tête fémorale et du bord de l’acétabulum.
Il en résulte une cascade inflammatoire aboutissant à une dégradation du cartilage articulaire, une hypertrophie et une fibrose de la capsule articulaire, une augmentation de volume du liquide synovial et un œdème du ligament rond.
Entre la naissance et l’âge de six mois, la conformation de l’articulation fémorale n’est pas définitive. L’articulation se modèle grâce aux pressions qui s’exercent sur la tête fémorale et l’acétabulum. Le développement de la dysplasie coxofémorale s’effectue durant cette période. La tête fémorale exerce une pression anormalement élevée dorsalement et crânialement à l’articulation. Il en résulte un évasement de la cavité cotyloïde favorisant la subluxation. La douleur apparaît généralement vers l’âge de cinq à six mois.
L’arthrose intervient plus ou moins précocement. Chez certains individus, elle peut être à un stade avancé dès l’âge de neuf mois. Dans certains cas rares, le chien ne présente aucun signe d’arthrose à l’âge adulte malgré une laxité articulaire très sévère. Parfois, la douleur ne s’accompagne pas d’arthrose.
La cause précise de l’hyperlaxité de l’articulation coxofémorale est actuellement mal définie. Toutefois, une insuffisance de la contention musculaire, des anomalies capsulo-ligamentaires ou du liquide synovial, ainsi que des anomalies de la conformation osseuse peuvent être en relation avec l’apparition d’une dysplasie coxofémorale. De nombreuses études concernant le rôle du muscle pectiné ont été réalisées mais actuellement aucune ne prouve son implication dans le développement d’une dysplasie coxofémorale.
La DCF est héréditaire.
Les manifestations phénotypiques de cette affection ne sont visibles que lorsque le nombre de gènes « anormaux » dépasse un certain seuil (détermination génétique polygénique).
D’autre part, les facteurs environnementaux jouent aussi un rôle essentiel dans l’expression de la maladie : il s’agit de l’activité du chien, de son alimentation et de son poids.
Le nombre de gènes impliqués dans la DCF et leur héritabilité variable rendent la sélection génétique difficile dans le cadre d’un élevage.
Avant l’âge de 6 à 8 mois, une anomalie de la locomotion et une posture anormale peuvent être observées. Généralement, la douleur apparaît entre 6 à 10 mois. L’impotence fonctionnelle induit alors une amyotrophie de la musculature fessière, et une saillie du grand trochanter. De même, le membre concerné peut subir une ankylose se manifestant par une limitation de l’extension et de l’abduction du fémur sur la hanche.
Une rétrocession des symptômes est souvent observée vers l’âge de 10 à 12 mois. Puis, s’installe le phénomène arthrosique qui, généralement, fait réapparaître la boiterie.
Avant l’âge de 12 mois, les tests de Bardens ou d’Ortolani permettent de mettre en évidence la laxité articulaire de l’articulation coxofémorale.
Toutefois, un diagnostic clinique est souvent difficile du fait de l’aspect polymorphe que peut prendre la maladie.
Radiographie en position d’extension des hanches
Réalisée en première intention, l’animal est en position standard, dite en « dysplasie » : sur le dos, avec les membres pelviens en extension. Cette technique est utilisée pour le dépistage officiel de la DCF en Europe et aux Etats-Unis.
Sur la radiographie, il faut rechercher : une subluxation, des déformations osseuses, de l’arthrose. Il faut observer l’interligne articulaire, la tête fémorale, le cotyle, la couverture de la tête fémorale par le rebord acétabulaire dorsal. La couverture est considérée comme satisfaisante à partir de 50% de recouvrement (valeur toutefois remise en cause).
Cette radiographie en position d’extension des hanches permet aussi de mesurer l’angle de Norberg-Olson. La valeur de cet angle permet de classer les hanches du chien en plusieurs stades. En France, le classement comprend cinq stades : A, B, C, D, E. La valeur seuil à considérer varie selon les races.
La mise en évidence de la ligne de Morgan est aussi considérée comme un indice de mauvaise congruence articulaire.
L’inconvénient majeur de cet examen radiologique est la présence de nombreux faux-négatifs avant l’âge d’un an. La Fédération Cynologique Internationale recommande un âge minimal de 12 à 16 mois pour les clichés officiels, et de 18 mois chez les races géantes.
Radiographie utilisant le procédé « Penn-Hip »
Le procédé « Penn-Hip » est une technique brevetée permettant de mesurer l’indice de distraction (ID), appelé aussi indice de laxité articulaire.
Il existe une corrélation étroite entre un indice de distraction élevé au cours de la croissance du chien et la présence de DCF à l’âge adulte. Cette technique peut être réalisée dès l’âge de 4 mois environ.
L’indice de distraction est calculé par la mise en distraction des hanches du chiens grâce à un instrument appelé distracteur.
Pour pouvoir dire que l’animal a de forte chance d’être atteint de DCF à l’âge adulte, l’ID doit être supérieur à une valeur seuil qui dépend de la race du chien. En moyenne, cette valeur seuil est de 0,5 à 0,6. Si l’ID est inférieur à 0,3 il est fort probable que le chien ait des hanches saines à l’âge adulte. Toutefois, cette valeur dépend aussi de la race du chien.
Il existe d’autres techniques qui utilisent une position forcée pour mettre en évidence une hyperlaxité coxofémorale ; notamment, la mesure de l’indice de subluxation (ISL). Cette technique n’utilise pas d’instrument spécifique. Le chien est placé en décubitus dorsal, les fémurs maintenus dans un plan perpendiculaire à la table et tirés en direction caudale pour former un angle de 60° avec le plan de la table. Le manipulateur rapprochent les genous et exerce une poussée en direction crâniodorsale. Sur la radio, la valeur de l’ISL se calcule de façon comparable à celle de l’indice de distraction. Si l’ISL est inférieur à 0,3 les hanches ne présentent pas de laxité articulaire.
Radiographie en position en « DAR » (Dorso Acetabular Rim)
Cette technique met en évidence le rebord acétabulaire dorsal. Le chien est placé en décubitus ventral, les hanches sont placées en hyperflexion et le bassin est relevé par traction sur les jarrets. Le faisceau incident doit être placé dans l’axe du bassin.
L’angle d’inclinaison du rebord acétabulaire dorsal doit être inférieur ou égal à 7,5°. Au delà de cette valeur, il est considéré comme fuyant.
Cette radiographie est utile lorsque une triple ostéotomie du bassin (TOB) est envisagée.
Radiographie en position « en grenouille »
Cette position permet d’estimer la profondeur acétabulaire. Le chien est placé en décubitus dorsal. Les membres pelviens sont tenus au niveau des jarrets. L’articulation des genoux et l’articulation des hanches sont fléchies au maximum. Puis, en exerçant une rotation externe les membres pelviens sont poussés en abduction jusqu’à ce que les jarrets soient contre la table. Une traction est exercée sur la queue du chien afin de placer le bassin dans un plan horizontal.
Cet examen radiologique est utile lorsqu’une triple ostéotomie pelvienne est envisagée.
Radiographie de profil du bassin
Elle est utile pour apprécier l’antéversion fémorale. Sur la radiographie, les condyles fémoraux doivent être parfaitement superposés.
Par ailleurs, les techniques échographique et tomodensitométrique permettent aussi le diagnostic de dysplasie coxofémorale. Cependant, elles n’ont pas encore été validées cliniquement chez le chien et le chat.
Traitement
De très nombreux chiens atteints de dysplasie coxofémorale peuvent voir leur souffrance diminuée grâce au traitement conservateur. Il est possible d’agir sur plusieurs paramètres :
– limitation de l’exercice :
La limitation de l’exercice permet de diminuer le phénomène inflammatoire. La suppression totale de l’exercice est en revanche néfaste. Les exercices de kinésithérapie peuvent être très utiles (Exemple : mouvement passif consistant en des flexions et extensions de l’articulation trois ou quatre fois par jour.). La nage est aussi particulièrement indiquée.
– le traitement du surpoids :
Un régime alimentaire peut nettement améliorer l’expression clinique de la DCF.
Le traitement médical est souvent utilisé en première intention.
– anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) :
En France, il est courant d’utiliser le méloxicam, le carprofène et le kétoprofène.
– corticoïdes :
Administrés le plus souvent par voie orale. Ils peuvent être administrés en intra-articulaire. Ils sont indiqués contre l’arthrose lorsque les AINS n’ont pas donné de résultats ou lorsque les effets secondaires imposent l’arrêt du traitement par les AINS. Les corticoïdes réduisent la formation d’ostéophytes, limitent l’érosion cartilagineuse et peuvent lutter contre une éventuelle synovite. Ils sont indiqués si le taux de neutrophiles dans le liquide synovial est élevé. Toutefois, leur effet néfaste sur le cartilage limite leur emploi pour des traitements de longue durée.
Les molécules les plus utilisées sont la prednisolone et la méthylprednisolone.
– morphiniques : ils peuvent être utilisés lors de crises arthrosiques très sévères (morphine, tramadol (Contramal®)).
– glycosaminoglycanes (GAG) :
Exemples de GAG : chondroïtine sulfate, acide hialuronique, pentosane polysulfaté. L’intérêt des GAG contre l’arthrose est discuté.
Symphysiodèse pubienne juvénile Triple ostéotomie du bassin (TOB) Excérèse-arthroplastie de la tête et du col du fémur Prothèse totale de hanche Dénervation de la hanche |
L’évolution clinique de la dysplasie coxofémorale est très variable selon les individus. Certains individus compensent parfois cette anomalie anatomique pendant plusieurs années avant de présenter des signes cliniques. Le processus arthrosique assombrit le pronostic. Vers l’âge de douze mois, une rétrocession des signes cliniques est souvent observée. Il n’existe pas aujourd’hui de traitement permettant de stopper le phénomène arthrosique. Un traitement chirurgical adéquat permet toutefois une amélioration significative du confort de vie du chien. Par ailleurs, le traitement conservateur et le traitement médical ont aussi une place importante dans l’amélioration de l’état clinique du patient.
AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien
DCF : dysplasie coxofémorale
GAG : glycoaminoglycane
ID : indice de distraction
ISL : indice de subluxation
TOB : triple ostéotomie du bassin