Symphysiodèse pubienne juvénile
Antoine PUIFFE
Dr Vét.
Haute-Garonne, 31
Février 2006
La symphysiodèse pubienne juvénile (SPJ) est une alternative récente aux traitements classiques de la dysplasie coxofémorale. Comme la Triple Ostéotomie du Bassin (TOB), son but est d’améliorer le recouvrement des têtes fémorales en augmentant la rotation ventrale (ou ventroversion) des acetabula.
Principe et indications |
Technique chirurgicale |
Résultats |
Intérêts et limites |
Bibliographie |
La symphysiodèse pubienne juvénile (SPJ) est une alternative récente aux traitements classiques de la dysplasie coxofémorale. Comme la Triple Ostéotomie du Bassin (TOB), son but est d’améliorer le recouvrement des têtes fémorales en augmentant la rotation ventrale (ou ventroversion) des acetabula.
Contrairement à la TOB, la SPJ ne nécessite pas d’ostéotomie, ce qui la rend beaucoup moins invasive. Elle permet en outre d’obtenir un résultat sur les deux hanches en une seule intervention. En effet, le but est ici de provoquer une fusion prématurée de la symphyse pubienne en vaporisant le cartilage de croissance de la symphyse par électrocautérisation, tandis que le reste du bassin continue normalement sa croissance. Le blocage sélectif de la croissance de la partie ventrale du bassin entraîne une latéralisation du rebord acétabulaire dorsal, donc un meilleur recouvrement des têtes fémorales.
Cette technique s’adresse à des chiots âgés de 3 à 5 mois sur lesquels une hyperlaxité coxofémorale a été dépistée cliniquement et/ou radiographiquement (1, 3, 5).
La ventroversion finale des acetabula dépend du potentiel résiduel de croissance du bassin au moment de l’intervention, donc cette chirurgie est d’autant plus efficace qu’elle est réalisée sur un animal jeune (3, 5).
Voie d’abord (7)
L’animal est positionné en décubitus dorsal, membres postérieurs en abduction.
Chez le mâle, l’incision cutanée est réalisée le long du pénis et s’étend du scrotum à un point légèrement crânial au pubis ; chez la femelle elle est médiane et part de la vulve pour arriver légèrement crânialement au pubis.
Le fascia est ensuite incisé en regard de l’abord cutané. Chez le mâle cette incision nécessite la ligature d’une branche de l’artère honteuse externe.
Une incision médiane est alors réalisée sur la ligne blanche, en partant juste en avant de la symphyse et en continuant caudalement sur le tendon subpelvien. Le péritoine ne nécessite une ouverture que si le chirurgien veut apprécier l’épaisseur de la symphyse par palpation et/ou s’il veut récliner lui-même le rectum et l’urètre lors de l’électrocautérisation (Cf paragraphe suivant).
Le muscle gracile et les muscles adducteurs sont enfin élevés de la symphyse pour la mettre à jour.
Electrocautérisation
L’électrocautérisation de la symphyse s’effectue en utilisant un bistouri électrique classique à électrode unipolaire.
La plupart des études ont été réalisées en utilisant une électrode aiguille, enfoncée dans le cartilage de croissance tous les 2 mm le long de la symphyse (3, 5, 6). La profondeur d’enfoncement sera déterminée d’après l’épaisseur de la symphyse évaluée par le chirurgien pendant l’opération.
Le réglage optimal du bistouri semble être de 40 W en coagulation, avec des temps de contact de 13 secondes à chaque point. C’est à cette dose que le cartilage de croissance paraît entièrement vaporisé, avec une atteinte minimale des l’os adjacent (6).
Une électrode spatule peut également être utilisée en effectuant de multiples contacts de 5 à 10 secondes le long de la symphyse.
Malgré les données bibliographiques disponibles, la vaporisation complète du cartilage reste à l’appréciation du chirurgien car une variabilité inter-individuelle est probable en fonction de la taille, de l’âge du chien, voire de l’efficacité du bistouri.
La difficulté principale réside dans la présence de l’urètre et du rectum dorsalement à la symphyse. Il est donc nécessaire de s’assurer que l’électrocautérisation ne les affecte pas. Pour cela deux méthodes sont possibles : les faire déplacer latéralement par manipulation transrectale effectuée par un aide, ou placer un doigt sur la face dorsale de la symphyse, interposé entre la symphyse d’une part et l’urètre et le rectum d’autre part. Cette dernière technique permet également d’évaluer l’épaisseur de la symphyse et de sentir son degré de vaporisation (5, 6).
Suture (7)
Le muscle gracile et les muscles adducteurs sont suturés à la symphyse, le péritoine est refermé s’il a été ouvert, puis les sutures sous-cutanée et cutanée sont réalisées, laissant une suture visible de quelques centimètres.
La morbidité est faible en post-opératoire immédiat, la grande majorité des chiens ne montre quasiment pas de douleur et les propriétaires peuvent généralement récupérer leur animal le soir même de l’opération.
Les chiens opérés présentent une fusion prématurée de la symphyse pubienne avant un an dans la majorité des cas (3, 5, 6, 8). L’augmentation au cours de la croissance du recouvrement acétabulaire de la tête fémorale, mesurée sur une image scanner en coupe transversale centrée sur le pubis et le centre des acetabula, atteint 10 à 15° par hanche dans les meilleurs cas (3, 5), ce qui correspond à un angle acétabulaire diminué de 20 à 30%.
Les meilleurs résultats sont observés sur les chiens opérés le plus précocement possible.
Les premières études disponibles semblent indiquer que le résultat final en terme d’amélioration du recouvrement suit une pente linéaire en fonction de l’âge du chien opéré, avec une perte de 10% par semaine de la ventroversion que l’on peut obtenir à partir de l’âge de 12 semaines (3). La symphysiodèse parait ne plus avoir d’effet significatif sur la rotation des acetabula si elle est réalisée après l’âge de 24 semaines (3, 5).
Le blocage de la croissance de la symphyse pubienne s’accompagne d’un rétrécissement de la filière pelvienne (15 à 20%), apparemment sans effet notable sur les possibilités de mise bas (3).
Le suivi à moyen terme des chiens opérés montre un effet significatif sur le signe d’Ortolani, avec une négativation pour plus de 50% des hanches opérées, ainsi que sur l’apparition d’arthrose, avec 25% d’apparition d’arthrose chez les chiens opérés contre 83% chez les témoins (5). Ici encore, les meilleurs résultats sont observés sur les chiens opérés les plus jeunes.
La Symphysiodèse Pubienne Juvénile est une chirurgie peu invasive, qui ne nécessite pas de matériel spécifique. La faible morbidité associée permet de rendre rapidement l’animal à ses propriétaires, qui n’auront pas de soins lourds à réaliser, ni d’immobilisation longue à surveiller. Le coût de l’opération est également bien inférieur à celui d’une TOB.
La symphysiodèse est également la seule intervention qui permet de traiter les deux hanches en une seule fois, tout en n’hypothéquant pas la possibilité d’une réintervention ultérieure en cas d’échec de cette thérapeutique (le chien peut toujours subir une TOB, une Prothèse Totale de Hanche ou une Résection Tête-Col Fémoral).
Néanmoins, cette technique comporte certaines limites : tout d’abord l’âge nécessairement précoce auquel elle doit être réalisée et qui implique un dépistage précoce de la dysplasie et une décision opératoire rapide.
De plus, le résultat exact de cette chirurgie reste inconnu avant la fin de la croissance du chien. L’angle de rotation obtenu ne peut pas être quantifié précisément à l’avance.
En outre, l’amélioration possible ne dépasse pas 15° par hanche, ce qui reste bien inférieur aux angles appliqués lors de TOB(20 à 30° en général). Il est donc possible que cette seule chirurgie s’avère insuffisante sur des hanches très dysplasiques.
Quelques rares complications post-opératoires sont également observées : sérôme en regard de la plaie, dommage possible sur l’urètre. Le rétrécissement de la filière pelvienne ne semble pas provoquer de problèmes de mise bas mais le recul sur cette intervention n’est pas encore suffisant, le taux de dystocies reste à étudier.
Enfin, l’absence d’implant radiovisible rend cette chirurgie difficilement détectable sur un chien adulte, il parait donc préférable de l’associer à une stérilisation compte tenu de l’héritabilité de la dysplasie.
Bibliographie
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1. | Chanoit G Dysplasie Coxo-fémorale : diagnostic Précoce chez le Chiot Le Nouveau Praticien vétérinaire, Hors-série 2003 : 41-6 |
2. | Deneuche A Dysplasie de la Hanche et Symphysiodèse Pubienne chez le chien Le Point vétérinaire 2005 Juin; 36(256): 10-11 |
3. | Dueland RT, Adams WM, Fialkowski JP, Patricelli AJ, Mathews KG,Nordheim EV Effects of Pubic Symphysiodesis in Dysplastic Puppies Veterinary Surgery 2001 May-Jun; 30(3): 201-17 |
4. | Mathews KG, Stoyer SM, Kass PH Effect of Pubic Symphysiodesis on Acetabular Rotation and Pelvic development in guinea pigs American Journal of Veterinary Research, 1996 Oct; 57(10): 1427-33 |
5. | Patricelli AJ, Dueland RT, Adams WM, Fialkowski JP, Linn KA, Nordheim EV Juvenile Pubic Symphysiodesis in Dysplastic Puppies at 15 and 20 Weeks of Age Veterinary Surgery 2002, Sep-Oct; 31(5): 435-44 |
6. | Patricelli AJ, Dueland RT, Lu Y, Fialkowski J, Mathews KG Canine Pubic Symphysiodesis: Investigation of Electrocautery Dose Response by Histologic Examination and Temperature Measurement Veterinary Surgery 2001 May-Jun; 30(3): 261-8 |
7. | Piermattei DL, Johnson KA An Atlas of Surgical Approaches to the Bones of the Dog and Cat Ed. Saunders WB, 2004, Fourth Edition: 322-5 |
8. | Swainson SW, Conzemius MG, Riedesel EA, Smith GK, Riley CB Effect of Pubic Symphysiodesis on Pelvic Development in the Skeletally Immature Greyhound Veterinary surgery 2000, Mar-Apr; 29(2): 178-90 |
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Mots-clefs : chien, chirurgie, dog, dysplasie, electrocauterisation, surgery, symphisiodèse, vet, vétérinaire