Excision-arthroplastie tête-col du fémur chez un furet
Cyrille CATOIO, Dr. Méd. Vét.
Marc GIRY, Dr. Méd. Vét., CES de traumatologie et
orthopédie animale
Le développement de la population des NAC fait découvrir aux vétérinaires de nouvelles affections. Parfois, ces pathologies présentent quelques similitudes avec celles des carnivores domestiques. C’est le cas de l’excision arthroplastie de la tête et du col du fémur connue chez le chien et le chat. En effet, cette intervention peut être transposée chez le furet.
Remerciements : Dr Anne MEYER, Dr Béatrice BESSART.
Juin 2003
Commémoratifs et anamnèse
Un furet mâle, âgé de 9 mois est référé en consultation pour une affection dégénérative de la hanche entraînant une suppression d’appui du postérieur droit. Un traumatisme a été signalé par les propriétaires quelques semaines auparavant.
Examen clinique et examens complémentaires
Le furet est vu tranquillisé. La manipulation de la hanche entraîne une douleur et des crépitations. L’amyotrophie est importante.
L’examen de la radiographie montre une hétérogénéité de la densité osseuse dans la région de la tête et du col du fémur, et une irrégularité de son contour (photo n°1).
photo n°1
Un diagnostic différentiel peut être envisagé entre les affections suivantes :
– un remaniement osseux suite à une fracture ancienne du col du fémur
– une arthrose secondaire à une malformation héréditaire de l’articulation coxo-fémorale (comparable à la dysplasie de la hanche chez le chien)
– une ostéonécrose aseptique de la tête du fémur (comparable à la maladie de Legg-Perthes-Calvé chez le jeune chien adulte de petite race)
Au vue des lésions importantes de la tête fémorale une excision arthroplastie de la tête et du col du fémur est envisagée.
Anesthésie et intervention chirurgicale
Après mise en place cathéter dans la veine céphalique, une anesthésie fixe est réalisée à l’aide d’une injection intraveineuse de médétomidine (DOMITOR®) à la dose de 100 µg/kg et de kétamine (IMALGENE®) 8 mg/kg. Puis, l’animal est placé en décubitus latéral droit. Après une désinfection chirurgicale, une voie d’abord cranio-latérale est pratiquée. Celle-ci est comparable à celle utilisée chez le chien et le chat.
L’incision de la peau s’étend cranialement au grand trochanter fémoral. L’hémostase est réalisée à l’aide d’un bistouri électrique. Le fascia lata est incisé. Le muscle biceps fémoral est récliné caudalement. Puis, le muscle tenseur du fascia lata est récliné cranialement. Après dissection mousse le long du col du fémur, il est pratiqué une ténotomie partielle du tendon du fessier profond et une arthrotomie de l’articulation coxo-fémorale. Il est noté à ce moment que la tête fémorale se luxe facilement . La consistance fibreuse de cette dernière conduit à utiliser la pince gouge pour réaliser l’ostéotomie. Puis, une fermeture plan par plan de la voie d’abord est réalisée à l’aide de VICRYL® 3-0 pour le plan musculaire et sous-cutanée, et, d’ ETHYLON® 3-0 pour la suture cutanée. Un pansement collé est mis en place.
Soins post-opératoires
L’espace de vie de l’animal est limité pendant une semaine. Il reçoit de la flunixine (FINADYNE®) à la dose de 0,5 mg/kg IM, et de la marbofloxacine (MARBOCYL®) à la dose de 2 mg/kg/j IM. Une ordonnance prolonge le traitement de 5 jours pour FINADYNE® et d’une semaine pour MARBOCYL®.
Le retrait des points est effectué 2 semaines après l’intervention.
Suivi post-opératoire
Les propriétaires rapportent une reprise d’appui du membre concerné quelques jours après l’intervention et une disparition de la boiterie au bout de 6 semaines.
Discussion
L’excision arthroplastie de la tête et du col est une intervention peu courante chez le furet. Elle peut être envisagée en cas de fracture ancienne ou récente du col du fémur associée ou non à de l’arthrose, ou en cas d’une luxation de l’articulation coxo-fémorale.
Le seul autre cas décrit est un article trouvé sur le site internet Veterinary Information Network (1).
Les traumatismes orthopédiques sont relativement rares chez le furet en comparaison des désordres gastro-intestinaux, cardiaques, hormonaux et néoplasiques. Par ailleurs, les malformations congénitales du squelette et les troubles du développement osseux sont très peu documentés.
Toutefois, de nombreux cas de fractures et autres traumatismes orthopédiques sont décrits (2) : luxation du coude, fracture de l’humérus, de l’olécrane, du fémur, du tibia et fibula, rupture d’un ligament croisé, néoplasie vertébrale. Les techniques utilisant des broches, cerclages et haubanages sont les plus utilisées.
Protocoles anesthésiques pouvant être utilisés chez le furet
Les furets sont devenus des modèles expérimentaux largement utilisés par la recherche. C’est pourquoi, les techniques anesthésiques ont été développées de manière importante.
Les protocoles d’anesthésie chez le furet sont, en général, adaptés à partir de ceux déjà utilisés chez le chien et le chat.
Les molécules utilisables pour la prémédication et pour le maintien de l’anesthésie sont mentionnées respectivement dans les tableaux n°1 et n°2.
Molécules utilisables en prémédication | Posologie |
acépromazine | 0,2-0,5 mg/kg SC ou IM |
kétamine | 10-20 mg/kg IM |
diazépam (disponible seulement en médecine humaine) |
1-2 mg/kg IM |
midazolam | 0,3 mg/kg IM (disponible seulement en médecine humaine) |
Tableau n°1
Molécules utilisables pour le maintien de l’anesthésie | Posologie |
kétamine | 6-10 mg/kg IM |
médétomidine | 100 µg/kg IM |
xylazine | 1-2 mg/kg |
Tableau n°2
Suivi post-opératoire et analgésie
Les risques d’hypothermie en per et post-opératoire sont importants chez les petits mammifères d’où l’intérêt d’utiliser un tapis chauffant.
Par ailleurs, Le furet est un animal présentant un haut niveau d’activité et un comportement d’exploration marqué. Les risques post-opératoires sont donc élevés dans le cas d’une chirurgie orthopédique. Il faut donc limiter l’espace de vie de l’animal pendant 1 semaine après l’intervention.
En ce qui concerne l’analgésie et l’antibioprophylaxie, les molécules pouvant être employées sont mentionnées dans les tableaux n°3 et 4 :
Molécules analgésiques | Posologie |
fentanyl | moitié d’un patch de 25 mg/heure (disponible seulement en médecine humaine) |
buprénorphine | 0,03 mg/kg en SC ou IM (non commercialisée en France) |
butorphanol | 0,1-0,5 mg/kg (non commercialisée en France) |
flunixine méglumine (FINADYNE®) | 0,5-2 mg/kg IM |
morphine | 0,5-5 mg/kg IM ou SC (la morphine peut être employée mais les effets secondaires sont plus nombreux et marqués par rapport aux molécules précédentes. Néanmoins, il s’agit du seul morphinique à notre disposition en France) |
Tableau n°3
Antibiotiques | Posologie |
enrofloxacine | 3-5 mg/kg IMNe pas utiliser chez les jeunes en croissance (érosion des cartilages articulaires) |
marbofloxacine | 2-5 mg/kg/j IMNe pas utiliser chez les jeunes en croissance (érosion des cartilages articulaires) |
céfalexine | 30 mg/kg IM en 2 prises |
amoxicilline | 15-30 mg/kg IM(Rares allergies) |
Tableau n°4
Toutefois, l’excision arthroplastie de la tête et du col est une intervention ne nécessitant pas de traitement antibiotique. Dans le cas présenté dans cet article, le recours à une antibioprophylaxie a été jugé nécessaire du fait de la difficulté des propriétaires de l’animal à le maintenir dans un espace de vie restreint, augmentant ainsi le risque de contamination de la plaie.
Conclusion
L’excision arthroplastie de la tête et du col chez le furet est une intervention rare mais la chirurgie orthopédique des petits Mammifères est amenée à se développer. D’un point de vue technique, ce type de chirurgie ne présente pas de difficulté car l’anatomie de la hanche du furet est comparable à celle du chat.
Il faut retenir les risques importants en post-opératoire : notamment l’hypothermie et les risques liés au haut niveau d’activité des furets.